SURCLASSEMENT DANS LE SPORT : COMPRENDRE LE FLÉAU ET PROTÉGER VOTRE ENFANT.

SURCLASSEMENT DANS LE SPORT : COMPRENDRE LE FLÉAU ET PROTÉGER VOTRE ENFANT.

Surclassement dans le sport et différence physique

Le surclassement fait souvent briller les yeux des parents et des jeunes sportifs. Votre enfant joue dans la catégorie supérieure ? Il affronte plus fort, plus grand, et tout le monde est persuadé qu’il n’y a là derrière que du positif ? Son surclassement dans le sport impressionne son entourage ? Cette situation crée même peut-être une fierté supplémentaire ? Mais derrière cette apparente réussite, une question mérite d’être posée. Est-ce réellement un cadeau que l’on fait à notre enfant de le faire passer de catégorie ?

A une époque pas si lointaine, le surclassement était rare et presque toujours proposé par le club ou les coaches. Aujourd’hui, il est devenu tellement à la mode, que si les coaches ou un club ne proposent pas le surclassement, les parents le vivent comme un affront.

J’ai eu ces derniers mois nombre de parents qui demandaient que leur enfant soit directement intégré dans la catégorie supérieure. Certains parents de très jeunes enfants allant même jusqu’à retirer leur progéniture du club, car il ne pouvait pas intégrer la catégorie du dessus.

Dans cet article, on va bien évidemment se poser la question des bienfaits et des méfaits du surclassement dans le sport. Mais on va aussi se pencher sur les raisons qui persuadent les parents que le développement sportif de leur enfant ne peut être positif que si « il joue avec les plus grands ».

Commençons cette réflexion par la réponse à la question suivante :

Le surclassement consiste à faire évoluer un enfant dans une catégorie d’âge supérieure. Par exemple, un joueur de 9 ans qui joue avec les U12 ou U13. Ou un U8 qui joue avec des U10.

Cette pratique peut être ponctuelle : un renfort lors d’un match ou un tournoi. Systématique : L’enfant s’entraîne et joue toute l’année, uniquement avec des plus âgés. Ou encore se présenter sous forme hybride. L’enfant participe à certains entraînements de sa catégorie et certains entraînements dans la catégorie supérieure (et idem pour les matches). 

Les raisons qui poussent la plupart des clubs à pratiquer le surclassement sont nombreuses. Elles sont aussi diverses mais surtout guidées par des objectifs différents.

Voyons rapidement quelques-unes de ces raisons :  

  • Parce que le joueur est très, voire trop dominant dans sa catégorie. On lui propose alors, pour son bien, mais aussi pour le bien de ses coéquipiers (et des adversaires), d’être surclassé.
  • Pour répondre à un manque d’effectif dans une catégorie supérieure. Ce type de pratique peut arriver dans certains clubs qui ne bénéficient pas du nombre de joueurs suffisant. Cette pratique peut être extrêmement problématique,  surtout dans les plus petites catégories.
  • Une autre raison peut être parce que le joueur est en avance dans un ou plusieurs aspects du jeu. Les aspects à analyser sont le physique, la technique, le mental et la maturité émotionnelle. De mon point de vue, un enfant doit de préférence être en avance dans ces quatre aspects du jeu pour que le surclassement soit une réussite.
  • Et malheureusement, il y a aussi la raison la plus dommageable. Celle qui consiste à flatter l’égo de certains parents qui en font la demande .
Fierté et ego des parents de sportifs le surclassement dans le sport

Bien entendu, il y a l’exemple des stars dans le sport que votre enfant pratique. Ces derniers ont souvent eu des parcours atypiques. Ils ont eu, pour la plupart, l’occasion de se confronter à plus grands, plus forts et plus matures, dès le plus jeune âge.

De ce fait, certains parents se disent que la réussite de leur enfant dans le sport passe inévitablement par cette logique du passage dans le niveau supérieur.

Ensuite il y a la tendance, sur les réseaux sociaux, à valoriser l’exceptionnel, l’unique, l’extraordinaire. On voit des enfants très jeunes être présentés, souvent par les parents eux-mêmes, parfois par des vendeurs de rêves, comme des futures stars. Là aussi, la crédibilité du statut donné ne pourrait passer que par une logique de surclassement.

Enfin pour certains parents, le besoin de reconnaissance à travers la réussite des enfants pousse à utiliser le surclassement dans le sport comme une preuve sociale de leur réussite.

Il serait injuste de diaboliser totalement le surclassement dans le sport. Car, bien utilisé, il peut être une source de progrès et de bien-être pour certains jeunes joueurs.

En effet, donner à un enfant la possibilité d’être confronté à un rythme plus intense peut lui permettre de développer certaines caractéristiques.

De même cette pratique peut apprendre à un enfant qu’il peut trouver du plaisir à sortir de sa zone de confort.

Une étude publiée dans The Sport Journal montre que les jeunes confrontés à un environnement plus exigeant développent parfois (l’étude dit bien PARFOIS) des compétences cognitives et motrices plus rapidement. Cependant, l’étude souligne aussi l’importance d’un encadrement vigilant et individualisé.

Surclassement dans le sport et risque de blessure

On a parlé des bénéfices. Mais vous vous doutez que je vais aussi vous parler des vrais dangers qui se cachent derrière cette pratique.

  • Il y a bien évidemment le risque de blessures physiques. Le corps d’un enfant surclassé n’est pas toujours prêt pour l’intensité physique de catégories supérieures. Entre un enfant de 7 ans et un enfant de 9 ans, il peut parfois y avoir de grosses différences physiques. Et cela peut être le cas à tous les âges.
  • La fatigue et le surentraînement sont aussi de réels dangers lorsque votre enfant sportif doit sans cesse se confronter à des jeunes qui ont un ou deux ans de plus que lui. À force de vouloir suivre le rythme, la fatigue prend le pas et peut avoir un impact sur le développement physique et cognitif de votre enfant. 
  • Perte de plaisir : l’enfant qui aimait son sport peut se sentir nul et vouloir arrêter.
  • Perte de confiance en soi. La confiance en soi se construit de diverses manières, mais un élément important de la confiance en soi est la réussite. Un enfant qui réussit développera une confiance en ses compétences et ainsi une confiance en lui. A l’inverse un enfant qui est sans cesse en difficulté et sans cesse dans les problèmes peut développer un sentiment d’infériorité et une perte de confiance en lui.
  • Les enfants surclassés à un très jeune âge peuvent perdre l’avantage (physique – technique ou de maturité) qu’ils avaient. Ils se retrouvent alors coincés avec des enfants plus grands pour la suite de leur formation. Cette situation pouvant causer blessures, démotivation et parfois arrêt du sport.
  • Et enfin la pression psychologique. Lorsqu’un enfant se compare en permanence à des enfants plus grands et plus forts physiquement, il peut avoir tendance à se sentir amoindri et avoir peur de décevoir ses parents ou le coach.

J’ai déjà abordé le sujet de l’ego un peu plus haut, mais je voulais y revenir de manière spécifique. L’ego est-il aujourd’hui à l’origine de ces demandes de plus en plus nombreuses de surclassement ?

Tout d’abord on doit sans aucun doute parler de l’ego de certains coaches, qui veulent trop vite construire une élite ou gagner avec les meilleurs sans se demander si l’enfant se développera harmonieusement. On ne laisse pas toujours le temps aux enfants de grandir à leur rythme.

Ensuite il y a l’ego parental. Les parents veulent montrer au monde extérieur la réussite de leur progéniture. Et ils veulent se prouver à eux-mêmes et au monde extérieur que leur enfant fait partie des meilleurs.

Lorsque la reconnaissance parentale passe par la réussite de leur enfant. C’est là que les problèmes commencent.

Nous désirons tous voir notre enfant réussir. C’est normal et cela peut être sain. Le problème ne vient pas du désir de réussite. Le problème vient du lien entre réussite de l’enfant et reconnaissance des parents.

Projection parentale miroir

D’ailleurs, cette logique peut mener à une projection parentale. On place sur l’enfant des rêves qui ne sont pas les siens. Si ce sujet vous parle, je vous invite à lire aussi l’article : “Le piège de la projection parentale – quand votre rêve devient son fardeau”.

Il n’y a pas que dans le sport que la pratique existe. Certains enfants « sautent » de classes. Très souvent ce sont les enseignants qui proposent le passage de classe. Et souvent aussi, ce passage est encadré par des tests psychologiques et cognitifs.

Ce passage de classe peut très bien se passer. Mais on peut aussi remarquer, que le problème de la maturité devient parfois un frein au développement harmonieux de l’enfant dans la classe. Il est mis à l’écart du fait de sa petite taille ou de son statut. Il peut même devenir victime de harcèlement.

Surclassement à l'école les risques de harcèlement

Dans le sport, les critères du surclassement devraient être les suivants :

L’enfant devrait avoir des caractéristiques supérieures à la norme dans les 4 aspects suivants :

  • Les aptitudes physiques.
  • Les aptitudes techniques.
  • Les aptitudes mentales et comportementales.
  • La maturité émotionnelle.

Voici quelques signaux à surveiller :

  • Physiques : blessures à répétition, fatigue chronique, baisse de performance.
  • Émotionnels : perte de motivation, tristesse avant et après les matches, isolement social, perte de confiance en lui.
  • Comportementaux : discours négatif (« je suis nul »), envie d’arrêter le sport.

Si vous observez un ou plusieurs de ces signes, il est peut-être temps de réévaluer la situation avec l’entraîneur.

Plutôt que de placer l’enfant dans une catégorie supérieure de manière systématique, voici d’autres pistes que les coaches et les parents pourraient suivre:

  • Lui proposer des défis spécifiques : lui donner des rôles précis dans sa catégorie (leader technique, leader d’attitude, coéquipier modèle, etc…).
  • L’inscrire à des stages ou tournois d’un plus haut niveau : l’exposer à un niveau plus élevé, mais de manière limitée et périodique.
  • Progression individualisée : travailler des exercices plus complexes sans changer de catégorie.

Ainsi, l’enfant progresse sans perdre confiance ni plaisir.

Le sport est un marathon pas un sprint

Le surclassement n’est pas toujours négatif. Mais mal encadré, il devient un véritable fléau qui éteint des passions naissantes.

Votre rôle de parent n’est pas de précipiter la réussite de votre enfant, mais de lui offrir un cadre solide et bienveillant où il peut grandir à son rythme. Ce n’est pas la vitesse qui compte, mais la qualité du chemin parcouru.

Si vous avez des exemples positifs ou négatifs de surclassement, vous pouvez les partager en commentaire, cela servira à enrichir la réflexion.

Lire les articles suivants :

Le piège de la projection parentale, quand votre rêve devient son fardeau

Le surclassement d’âge : Des règles spécifiques selon les fédérations

Burnout chez les athlètes : comprendre et prévenir l’épuisement sportif

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